mardi 23 janvier 2007

Nine Month

Le Doc n’aimait pas quand les choses traînaient. Ce n'était pas dans sa conception des choses. Et des conceptions des choses, il en avait beaucoup. Si une affaire n'est pas résolue dans les 48 heures, c’est mauvais, très mauvais. Il passait son temps à le dire à son assistant. Pas qu’il aurait voulu être flic à la place des flics , non. Mais il aimait se dire qu’il faisait sa part du boulot et en plus selon certains, pas la plus ragoûtante. Lui, il s’en foutait. Mais quand même. L’inspecteur était pas passé à la morgue, et lui, il voulait savoir. Donc le coup du dossier à apporter, ça marchait toujours... Il était là depuis cinq minutes à parler au jeune flic de l’accueil qui avait les joues toutes roses comme s’il s’était pris des baignes. Et pas d’inspecteur Martigan en vue. Mais les stores étaient tirés dans son bureau, bon signe ça. Fallait bien qu’il continu à trouver quoi dire au planton pour gagner du temps. Les fêtes de Noël, ça , ça marchait toujours.

Je tire une cigarette de ma poche.
- On commence par où alors?
- Je ne sais pas comme vous voulez, je suppose...
- Vous la connaissiez depuis combien de temps?

Castel lève les yeux et regarde le néon, il continu à hésiter. Il se demande s’il va tout me dire, ou faire le tri. Si ça commence maintenant les histoires de tri, j’aurai pas fini pour les vacances d’août.

- Alors?
- Je crois qu’il vaut mieux que j’explique à ma façon...
- C’est vous qui m’avez dit qu’on y allait comme je voulais
- Je la connais.. je la connaissais d'avant son mariage, quand elle était au lycée, en fait. Mais je ne l’ai pas revue jusqu’il y à neuf mois.
- Coïncidence? Retrouvailles impromptues?

Faut que je me calme sinon je vais être encore cynique sans le vouloir.

- Elle avait appris... pour le séminaire et tout le reste.. et elle voulait des conseils.
- Le genre de conseils qu’il vaut mieux ne pas demander à son mari ?

Merde, ça me reprends, si je ne veux pas qu’il se bloque, faudrait peut être que j’arrête de lui rentrer dedans l’air de rien. Avec ce genre de gars, le seul truc qui marche c’est le numéro du gentil flic et du gentil flic.

- Le genre de conseils qui nécessite quelqu’un tenu par le secret de la confession surtout.
- Et maintenant il n’y a plus de secret de la confession ? Pas de délais comme pour les médecins?
- Non... et je ne suis plus prêtre qui plus est.
- Bon et alors?
- Au début elle n’a pas voulu me dire de quoi il s’agissait, pendant plus de quatre mois elle m’a posé des questions sur sa moralité. Elle se demandait si elle était quelqu’un de bien, si elle avait le droit de se sentir en sécurité. Je ne comprenais pas de quoi il s’agissait.
- Et maintenant ça vous parait clair?
- Pas totalement sinon je ne serais sans doute pas ici...
- Admettons...un point pour vous.
- Puis ça a commencé à changer...progressivement. J'avais constaté que ça n’allait pas du tout et je lui est dit qu’elle pouvait me voir en dehors des heures de confessions si elle voulait parler...Je ne pensais pas en mal.
- J’en doute pas.
- Je voulais juste l’aider...

Putain, quand il dit ça, on dirait qu’il est responsable de cinq ou six génocides tellement il a l’air coupable.. Si c’est un numéro qu’il me fait, il est trés bon.

- Elle a commencé à me dire qu’elle était sûre d’être suivie depuis quelques temps. Au début je me disais qu’elle était stressée ... que ce n’était pas bien sérieux.
- Mais ça l’était.
- Oui. Elle disait que son mari ne la prenait pas au sérieux, qu’il disait en riant que les belles femmes se font toujours suivre.
- Ce qui n’est pas faux en soit.

S’il doit me faire un résumé des neuf mois d’entretiens à ce rythme, je vais prendre un abonnement au Kebab du coin, et arrêter de payer mes factures pour m’installer ici.

- Puis un jour, je l’ai vu.

Tiens, ça ça réveille un peu.

- Qui?
- L’homme qui la suivait.
- Où?
- Il semblait attendre devant l’église. Et quand nous sommes sortis, il a attendu un peu, mais je l’ai revu à plusieurs reprises pendant notre promenade. Yolande ne voulait pas que j’aille lui parler.
- Pourquoi?
- Elle avait peur, elle disait que ça pouvait être dangereux.



Ça faisait un bon moment qu’il ne trouvait plus rien à dire au gars de l’accueil, et là il commençait à ressembler aux gars qui tapent l’incruste pour avoir des infos. Et justement c’était exactement ce à quoi il ne voulait pas ressembler. Sa visite était terminée pour aujourd’hui. Ça serait pour une prochaine fois. Si seulement Martigan pouvait lui glisser un mot de sa progression dans l’enquête. Les marques sur les chaussures, ça lui paraissait vraiment bizarre. C’est à cet instant là que son téléphone se mit à sonner.
Un nouveau mort par balle. En pleine tête, dans la rue. On l’attendait. Ca, c’était certain, ça n’allait pas plaire à Martigan.


Pourquoi cet abruti de l’accueil vient m’interrompre maintenant? Les stores baissés il sait pas ce que ça veut dire? a agiter son post-it rose comme ça, on croirait qu’il est en manque de Carnaval. Je l’ignore superbement, il finira bien par partir.


- Selon vous pourquoi?
- Justement, c’était bien ça le problème.... Elle ne savait pas. Elle avait commencé à s’apercevoir qu’elle était suivie peu avant qu’elle ne vienne me voir. Elle disait que l’homme ne l’approchait jamais, ne lui parlait jamais, qu’il restait là, sans rien dire à la regarder, comme si elle était coupable de quelque chose d’horrible.

Là je tiens peut être un bout de l’histoire. Mais pourquoi le planton ne se barre pas?? Faut pas que je me déconcentre. Là ça risque d’être important.

- Et c’était le cas?