mardi 13 mars 2007

November 13, 2006

Hugo, je pourrais répêter votre nom mille fois. Dans ma tête, les deux syllabes se détachent pour se remarier ensuite à merveille...
Hugo... Cet après-midi passée ensemble à parler et à faire l'amour m'a redonnée foi.
Je crois que peut-être un jour, je pourrais m'en sortir.
Je ne peux pas oublier, mais cette intimité entre vous et moi, la façon dont j'existe à vos yeux me redonne espoir.
Je ne veux pas oublier qui je suis, ni ce que j'ai fait. Mais, vous ne me jugez pas, vous. Et peut-être qu'à un moment, je pourrais arriver à me regarder dans une glace sans me haïr profondèment...
Après vous avoir quitté, j'ai marché longtemps, je me suis perdue dans le tulmute des rues.
Je me sentais incroyablement calme, presque délivrée.
Hugo, j'ai cru voir les choses telles que vous, vous les voyez.
J'ai vu la beauté, l'innocence, j'ai vu leurs contraires aussi, en même temps. Tout n'apparaît que comme les deux facettes d'une même pièce.
Hugo, j'ai toujours son image gravée dans ma tête, elle ne me quitte pas. J'ai la sensation que je lui dois quelque chose, que je finirais bien par payer, à un moment ou à un autre.
Je sais que vous pensez que je me le fais bien assez payer déjà. Mais, je sais que vous me comprenez également...
Si j'osais l'affronter, peut-être que l'angoisse et le désespoir seraient moins forts.
Je crois que j'ai autant peur qu'elle me pardonne qu'elle ne me pardonne pas...
Hugo, je sais que je peux être un ange et un démon à la fois.
Et vous ne devriez pas pouvoir m'aimer comme vous le faîtes. Et je ne devrais peut-être pas être capable de ressentir ce que je ressens pour vous, et d'être ainsi si heureuse à vos côtés...

Lettre de Yolande Effar à Hugo Castel, 13 novembre 2006


vendredi 9 mars 2007

Twelfth Fag

Il me croyait coupable. J’en étais certain. Ce genre de certitudes que j’avais eu parfois en parlant à certains, cette certitude que certaines choses demeuraient cachées, non dites, parce que l’aveu causerait plus de problèmes qu’il n’apporterait de solutions . Cette discussion avec cet inspecteur n’avait rimé à rien, il cherchait absolument un coupable, je venais lui apporter des causes. Si je continuais à persévérer dans cette voie, jamais ils ne trouveraient. Et rares sont ceux qui trouvent sans faire l’effort de chercher. J’avais pensé qu’il pouvait comprendre, que le contact avec le Mal, ou quoi que se soit d’approchant, lui avait donné une vision rare. Peut être m’étais je trompé. Je ne sais pas encore si j’ai commis une erreur, peut être n’aurais-je pas du partir. Yolande, le reste, tout semblait n’être qu’un vague ensemble disséminé maintenant. J’avais froid, bien plus froid qu’auparavant. Mais quand il m’avait regardé pour la dernière fois, j’avais vu le doute s’insinuer en lui.


Je relisais cette foutue lettre. Encore et encore. Rien, pas un indice. Oui, il avait eu des relations avec Yolande Effar, mais je commençais à me dire que je voyais vraiment le mal partout. Pourquoi j’avais parlé de coucherie ? Il n’avait pas parlé de ça, la lettre non plus. Plus le genre à tomber amoureux et à mettre les choses en place si c’est sur. Ouais, plus son genre pour ce que j’en avais vu. Et maintenant un second macchabée. Et dire que je croyais tenir le bon bout avec l’entourage. Il faut vraiment que je me calme, dehors ils s’énervent et ils m’énervent. Ils le trouvent pas. Je m’en serais un peu douté. Je range la lettre, je prends quant même la carte qu’il a griffonnée à l’accueil.
Il faut que je voie le second corps. Là, ça urge vraiment.

Je l’aimais comme personne ne l’avait aimé auparavant. Là aussi, une certitude. La seule peut-être au milieu des doutes incessants qui m’assaillent. Je la connaissais mieux qu’elle ne se connaissait, j’acceptais ses défauts, j’appréciais ses qualités. Mais tout au long de cette relation que j’avais pu arracher au monde, je savais. Oui je savais qu’elle me cachait quelque chose. Un lourd secret. Quelque chose de dur, de sombre. Ce secret, elle ne voulait pas le partager. Et plus j’étais avec elle, plus je l’observais quand elle était inattentive, plus je savais. Oui, elle avait un visage d’ange, elle en avait l’apparence et l’attitude. Elle était si exceptionnelle, je l’aimais pour cela. Si seulement elle avait pu m’avouer son secret, les choses auraient été différentes. Peut être qu’elle ne serait pas morte aujourd’hui. Peut être aurais-je pu l’aider. Peut être n’aurais-je pas eu besoin de fuir aujourd’hui.


Des plombes que j’attends. J’allume une nouvelle clope, je regarde la fumée. Il va falloir que j’envoie des gars au domicile du prêtre. Sauf que je sais pas ou ça vit un prêtre. Et sur la foutue carte de l’accueil, c’est pas marqué. Son nom, son prénom, une belle écriture d’ailleurs. Arrondie mais fine. J’aurai dit que c’était une écriture de femme si je savais pas que c’était lui. Y a un truc qui me taraude avec cette carte. Et avec l’interrogatoire aussi d’ailleurs. Je commence à avoir mon idée et elle me plait pas beaucoup.
J’appelle le central pour qu’ils cherchent la baraque, et le mari, deux minutes après c’est réglé. Il a prévenu que la famille pour Yolande Effar. Même pas d’avis dans la presse. Mais Castel, savait. Ouais, il savait pour Yolande.
Il y a un truc pas net.
Le Doc m’avait refilé un dossier, le truc de base où on écrit les quatre trucs évidents de la scène du crime. Il avait été trouvé dans une petite rue, pas grand monde qui y passe. Le Doc pensait qu’il était mort il y à deux heures au plus. Il verrait si il pouvait affiner plus tard. Trentaine, soigné, des gars cherchaient à l’identifier. Pour l’instant rien. Pour le billet ça devrait être plus rapide. A force de regarder Les Experts on croit que c’est facile. Mais sang ça tache et ça tache sévère, et le billet, il avait l’air d’être sacrement taché. J’ai cette photo sous les yeux, avec ce billet à peine défroissé et encore taché. C’est marrant pour « Effar », c’est une jolie écriture pour un truc écrit au marqueur. J’allume ma douzième clope. Si le Doc continue de me faire attendre, il finira par devoir m’autopsier aussi. Putain de téléphone. Faut que je réponde avec ma clope dans une main, la carte et la photo dans l’autre et le tout avec des gants. Je fais tomber le téléphone de ma poche. Sur mon pied. Le truc qui fait mal mais qui doit faire marrer les gars qui payent le remplacement de nos téléphones tous les dix ans.
- Martigan.
- Inspecteur, on a eu un sacré coup de bol pour la deuxième victime !
Mais oui, un sacré coup de bol, on va voir si il en a un, de sacré coup de bol, si je le croise celui là. Etre aussi enthousiaste, c’est à la limite du malsain.
- Ah ouais ? Lui, je crois pas.
- …
- Bon alors !
- On a son identité, Monsieur.
J’agite mon pied, et je me dit que si il crache pas vite le morceau, le Doc aura toujours un gars en plus à autopsier avant moi. Lui par exemple.

- Un certain Hugo Castel, Inspecteur. On a aussi son adresse, et son numéro de téléphone.
Il sortait d’un pressing ou il avait une carte, la dame a pu le reconnaître. Il parait que c’est un prêtre… Mais je comprends pas, celui que vous cherchez c’est pas un pretr

Pas la peine d’écouter plus. Faut que je pense, vite, très vite.
C’est vrai que sur le billet , pour « Effar » c’est une jolie écriture pour un truc écrit au marqueur, arrondie mais fine. Ouais, j’aurais cru à une écriture de femme. Pareil pour la carte donnée à l'accueil. Si le vrai Castel est sur la table du Doc, je suis prêt à parier que le Castel du commissariat est aussi prêtre que moi.
Comme quoi on peut toujours se faire baiser.

lundi 5 mars 2007

Eleventh Command

Finis les coups de fil. Finis les interruptions. Finis les post-its roses. Maintenant, c'est du sérieux. Je veux que Castel se mette à table. Et qu'on ne vienne nous voir que pour nous apporter l'addition. Uniquement quand je l'aurais préalablement demandée. En attendant, il est à moi.

Sauf qu'il n'est plus là. Pas remonté de la machine à café. Pas à la machine à café. Pas en train de discuter avec le planton non plus. Bon sang de bonsoir, où est passé ce fichu défroqué? A peine le temps d'obtenir confirmation de ce que je craignais de la part du planton, il l'a effectivement vu disparaître par la porte, son café à la main, et il a même dit au revoir en partant. Poli et pétri de culpabilité. Sauf que je ne sais pas encore bien pourquoi, et que ça m'agace de l'avoir laissé filer. Quelqu'un va devoir payer pour ça, et ça va être Palozzi avec son sourire niais et sa veste en tweed vert moisi.

- PALOZZI!! hurlai-je. Tu embarques qui tu veux, mais tu me ratisses le quartier pour me remettre la main sur ce prête qui vient de sortir! C'est un témoin capital dans l'affaire Effar, et il s'est tiré!
- M'enfin patron, je viens de rentrer d'une constatation de saisie des douanes, ça fait onze heures que j'attends de pouvoir poser mon cul!
- Palozzi, soufflai-je la fumée au naseau, tu me ramène son cul dans mon bureau dans moins d'un quart d'heure, ou alors j'aurais le tien hors d'ici pour deux mois!
Un silence lourd de réflection s'éternisa entre nous pendant deux bonnes secondes avant que ce corniaud ne jappe à l'attention de quatre de ses collègues de venir l'aider à retrouver un cureton en cavale.
- Bon garçon, gromelai-je sans desserrer les mâchoires. Je remontai m'asseoir à mon bureau, histoire de refaire à l'envers le cours de cette conversation pour voir si je pouvais en tirer quelque chose qui me donne une piste de réflexion, en attendant que ce papiste sans parole ne vienne finir de me débiter ses salades. Ce VRP qui vendait de l'honnêteté et de la droiture et qui n'avait même pas un échantillon sur lui me fascinait. Il avait réussi à me faire croire que son acte de contrition était sincère. Peut-être que trop de temps s'était écoulé depuis ma dernière confession pour que je sois réellement à même de juger correctement.

Enfin parvenu à engoncer mon postérieur dans ce vieux fauteuil de cuir usé jusqu'à la trame, je relisais mes notes, la tête prise dans l'étau de mes deux mains, quand soudain, la lumière jaillit dans mon cerveau embrumé de caféine et de tabac. La lettre qu'il m'avait tendu et donnée à lire. Elle n'était peut-être pas partie avec lui. Peut-être l'avais-je posée quelque part sur ce bureau et au moment de sortir l'aurait-il oubliée. Ou alors l'avait-il laissée intentionnellement. Car sinon, quelle raison aurait-elle eue de se trouver pliée en deux, face au siège qu'il occupait?

Il me fallait à tout prix lire plus avant ce qu'il m'avait seulement laissé entrevoir, avant qu'il ne revienne. Ou en tout cas, que Palozzi revienne, et que je ne doive sortir son cul d'ici, pour l'exemple et pour me passer les nerfs.

"Tu aimeras ton prochain comme toi-même" Lévitique 19,18