lundi 5 mars 2007

Eleventh Command

Finis les coups de fil. Finis les interruptions. Finis les post-its roses. Maintenant, c'est du sérieux. Je veux que Castel se mette à table. Et qu'on ne vienne nous voir que pour nous apporter l'addition. Uniquement quand je l'aurais préalablement demandée. En attendant, il est à moi.

Sauf qu'il n'est plus là. Pas remonté de la machine à café. Pas à la machine à café. Pas en train de discuter avec le planton non plus. Bon sang de bonsoir, où est passé ce fichu défroqué? A peine le temps d'obtenir confirmation de ce que je craignais de la part du planton, il l'a effectivement vu disparaître par la porte, son café à la main, et il a même dit au revoir en partant. Poli et pétri de culpabilité. Sauf que je ne sais pas encore bien pourquoi, et que ça m'agace de l'avoir laissé filer. Quelqu'un va devoir payer pour ça, et ça va être Palozzi avec son sourire niais et sa veste en tweed vert moisi.

- PALOZZI!! hurlai-je. Tu embarques qui tu veux, mais tu me ratisses le quartier pour me remettre la main sur ce prête qui vient de sortir! C'est un témoin capital dans l'affaire Effar, et il s'est tiré!
- M'enfin patron, je viens de rentrer d'une constatation de saisie des douanes, ça fait onze heures que j'attends de pouvoir poser mon cul!
- Palozzi, soufflai-je la fumée au naseau, tu me ramène son cul dans mon bureau dans moins d'un quart d'heure, ou alors j'aurais le tien hors d'ici pour deux mois!
Un silence lourd de réflection s'éternisa entre nous pendant deux bonnes secondes avant que ce corniaud ne jappe à l'attention de quatre de ses collègues de venir l'aider à retrouver un cureton en cavale.
- Bon garçon, gromelai-je sans desserrer les mâchoires. Je remontai m'asseoir à mon bureau, histoire de refaire à l'envers le cours de cette conversation pour voir si je pouvais en tirer quelque chose qui me donne une piste de réflexion, en attendant que ce papiste sans parole ne vienne finir de me débiter ses salades. Ce VRP qui vendait de l'honnêteté et de la droiture et qui n'avait même pas un échantillon sur lui me fascinait. Il avait réussi à me faire croire que son acte de contrition était sincère. Peut-être que trop de temps s'était écoulé depuis ma dernière confession pour que je sois réellement à même de juger correctement.

Enfin parvenu à engoncer mon postérieur dans ce vieux fauteuil de cuir usé jusqu'à la trame, je relisais mes notes, la tête prise dans l'étau de mes deux mains, quand soudain, la lumière jaillit dans mon cerveau embrumé de caféine et de tabac. La lettre qu'il m'avait tendu et donnée à lire. Elle n'était peut-être pas partie avec lui. Peut-être l'avais-je posée quelque part sur ce bureau et au moment de sortir l'aurait-il oubliée. Ou alors l'avait-il laissée intentionnellement. Car sinon, quelle raison aurait-elle eue de se trouver pliée en deux, face au siège qu'il occupait?

Il me fallait à tout prix lire plus avant ce qu'il m'avait seulement laissé entrevoir, avant qu'il ne revienne. Ou en tout cas, que Palozzi revienne, et que je ne doive sortir son cul d'ici, pour l'exemple et pour me passer les nerfs.

"Tu aimeras ton prochain comme toi-même" Lévitique 19,18

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