mardi 19 décembre 2006

Fourth Hour

Il était arrivé tôt le lendemain matin. Dans un brouillard constant, penché sur lui-même, retranché diraient certains. Cette furieuse impression qui ne le quittait plus qu’il était seul au milieu de nulle part, et que ce qu’il voyait autour de lui n’avait plus aucun sens. Que les règles qui lui avaient parue toute sa vie très claires, avaient changée, et qu’il n’y pouvait plus rien. Que ça ne dépendait même pas de lui.Elle n’était pas rentrée hier soir. Il été passé au Commissariat.


Un gars lui avait parlé. Il ne se souvenait plus de ce qu’il lui avait dit. Ca n’avait pas d’importance de toute façon. Il lui avait posé des questions. Il avait répondu machinalement. Et il ne savait même plus quoi. Il se demandait même s’il n’était pas entrain de rêver, de faire un de ces cauchemars qui vous clouent sur place et qui vous réveillent au cours de la nuit, vous laissant en sueur, le cœur battant à toute vitesse. Et là, dans cette pièce qui sentait les désinfectants et l’humidité, il regardait le visage de celle qui devait être sa femme. Il ne savait plus. On aurait dit quelqu’un d’autre. Ou quelque chose d’autre. Trop blanche, trop statique. Son visage ne semblait pas être le même. Il doutait. Et pourtant, il connaissait ces traits. Il aurait voulu être sur. Mais être sur, c’était admettre que ce qu’il avait devant lui, c’était sa femme.


Je regardais Effar derrière la porte vitrée de la Morgue depuis un bon moment. Je ne pense pas qu’il sache que je suis encore la. Il n’est pas encore monté et le Doc semble guetter la redescente. A force de voir les gars s’effondrer, on dirait qu’il est pressé de passer au suivant. Ca doit donner l’impression que les journées sont plus courtes, ou que ce n’est qu’un détail de plus. Chacun encaisse à sa façon le monde dans lequel on vit.Visiblement elle, elle avait un peu de mal à encaisser. Les anxiolytiques, c’était sûrement pas pour de grosses migraines. Et son mari était bien parti pour prendre le relais.Faudra bien qu’il se remette. J’avais des questions à lui poser. La Balistique pourrait me donner des infos dans quelques heures. En attendant, fallait reprendre les choses à l’ancienne.

J’ai allumé ma clope. Et j’ai attendu.


Il commençait à avoir froid. Ca lui remontait comme une décharge électrique tout au long de la colonne vertébrale. Et ça lui paralysait l’esprit. Il commença à se concentrer sur cette sensation. A suivre les frémissements de son propre corps. Il ne faisait rien pour les arrêter. Il en profitait, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Une once de vie dans une pièce dédiée à la mort. Il se regardait entrain de se noyer en lui-même, et ça ne le dérangeait pas. Ca le frappa d’un coup. Il n’était plus lui-même et tout ça ne le concernait pas. Il s’en rendit compte. C’était bien elle. Il approcha sa main de son visage. Doucement comme au ralenti. Et il senti soudain une légère pression sur son épaule.


Putain, il faisait quoi le Doc. Effar allait la toucher, et pas au meilleur endroit. Une balle dans la tête, t’en sort pas tout propre. Et ce n’est pas parce que s’en avait l’air, que ça l’était. Il risquait d’avoir une sale surprise. En trois pas j’étais derrière lui, une main sur son épaule. Et là, il m’a regardé. Le regard d’un poisson agonisant sur le sable. Il venait de se rendre compte qu’il était pas tout seul. Je sais pas par où commencer dans cette affaire, mais je sais que je ne pourrais rien tirer du mari aujourd’hui. Les poissons morts, ça répond pas aux questions…

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