mardi 19 décembre 2006

At The Third Floor

Tu les vois ici, on dirait des guèpes affolées . Ca court dans tous les sens. Si t'as pas l'oeil assez exercé, tu pourrais bien dire que çe ne sont que des constants mouvements parfois contraires, parfois pas. Ouais, on dirait une valse sous LSD. Mais, attention, ce petit monde ne brasse pas que du vide... Ils bossent tous pour quelqu'un ici. Y'a souvent des arrêts imprévus, ça donne le brouhaha quasi ininterrompu. Sauf quand y'a ce type d'histoires qui nous tombent dessus. Bien sûr, qui est-ce qui va se taper l'enquête? Moi. Paraît que j'ai les épaules. Après des années de service, je voudrais pas dire mais moi, je commence à m'essoufler. Des fois, je rêve de panneaux signalétiques en grève, et je m'imagine comme le chef d'orchestre de la vie routière. Mais, y'a pas à dire, même si je le voulais, ils me mettraient jamais à la circulation, je sais même pas si j'en aurais les compétences, de toute façon...
Toujours est-il que les premières choses à faire dans ce cas-là, c'est te poser cinq minutes, fumer une clope, pour laisser le truc se décanter un peu. Parce que là tu sais que tu t'attaques à quelque chose qui va devenir vite ardu. Il y a des évidences comme ça. La victime, une femme, brune, la trentaine passée, plutôt jolie encore, tuée d'une balle dans la tête. En pleine rue. Le souci, c'est que y'a vraiment rien qui explique le crime a priori. Elle semble juste avoir été stoppée dans sa marche comme ça, sans plus de raisons qu'une balle. Mais faut pas aller bien loin pour savoir qu'une balle doit toujours être tirée, et que faut bien quelqu'un pour appuyer sur la gachette. C'est pas bien sorcier. Mais c'est que y'a juste quelque chose de trop clinique, c'est trop bien fait, trop professionnel. Paraît que l'habit fait pas le moine, mais vu l'accoûtrement de la demoiselle et son casier plus vierge que je ne l'étais à ma première communion, j'ai du mal à l'imaginer fricoter avec ce genre de milieu.
P'tain, mon téléphone sonne.
-Ouais, Martigan, j'écoute.
-J'appelle de la part du Doc, j'ai le résultat des analyses pour Yolande Effar.
-Alors?
-Rien de notable, excepté qu'elle devait avoir pris un anxiolythique.
-Ouais, ça explique sûrement pourquoi elle souriait aux anges avant de se faire buter...
-On dirait bien, ouais. Bon, faut que je te laisse, je suis à la bourre sur le boulot.
-Tu diras à ton patron que je lui souhaite de joyeuses fêtes.
-Ok.
Plus tard, j'ai vu le mari, complètement sonné. L'expression sur son visage était sans équivoque, il était halluciné. C'est tout à fait le genre qui s'en remet pas. Ils passent trop de temps à réfléchir à ce que la perte de l'autre signifie. La vie continue mais autour de cette question centrale. Pourquoi? Je crois que si j'avais pas d'expérience, je réagirais pareil. J'en ai vu des visages défiler et des réactions de tous les goûts et de toutes les couleurs. Mais, là, faut dire que ça a bien fini de me convaincre d'une chose : rien de bien rationnel n'explique ce crime. Je le sens au fond de moi, c'est comme ça. Et je sens que ça va me remuer les tripes et les neurones pendant un bon moment, cette histoire. Mais, pour le moment, c'est Noël, alors je vais rentrer chez moi, fumer un joint, essayer de dormir quatre heures. Et puis, je vais essayer de pas rêver aussi.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Dites les filles, je trouve votre début très prometteur. Si je peux vous rejoindre, j'aimerais bien. Attention, si vous voulez, je vous propose mes textes et vous avisez.

Dans tout les cas, Chapeau les filles