lundi 18 décembre 2006

First Corpse

Cette année, elle est en marge. Suite logique. Les cartes battent, on redistribue les émotions. Elle joue avec ce qu'elle a, c'est-à-dire pas grand chose. Elle sait ce qu'est Noël ou du moins elle croyait savoir. Les lumières qui scintillent, les gens qui se bousculent presque harmonieusement, les mains gelées et les gants que l'on achète à la va vite, on aura déjà perdu l'un d'eux d'ici quelques semaines. Elle pense au thé brûlant sur le coin d'une table de bar, elle pense à la buée quand on respire ou quand on parle. L'esprit de Noël, c'est l'ennivrement de l'excès et peut-être pour une fois, ça n'est pas foncièrement douloureux. Il y a une sorte de demi-conscience, écrasée par la nostalgie, pressée de chaleur humaine, c'est reconcquérir un confort, une confiance candide dans une réalité soudainement altérée, qui peut enfin l'héberger. On joue les gammes du plaisir alors qu'est ce que tu voudrais? et de l'attente frustrée s'il-te-plaît, dis moi ce que c'est..., on affiche une bonhomie bienveillante berk, j'aime pas les fruits de mer, je suis fâchée avec ma soeur depuis des mois, comment ça va se passer?
Ca passe, ça dépasse, des fragments de voix et de rire, des enfants dépités par tant de guilletterie, qui voudraient bien dormir, ça ferait venir le Père Noël plus tôt.
Cette année, il n'y aura rien de tout ça. Dans les magasins, les gens s'arrachent les futurs cadeaux d'entre leurs mains, les enfants ne sont que des adultes miniatures avides et perfides, et rien qu'à l'idée de manger, la sueur perle sur son front, elle a envie de vomir. Les guirlandes et les installations lumineuses des mairies de n'importe quelle ville peuvent bien briller, elle, elle sait bien qu'elle est éteinte, à l'intérieur. Elle s'observe, elle observe le vide laissé en elle par l'absence de ces émotions pourtant si bien rodées, huilées, si... naturelles. Elles ont abandonné derrière elle, comme une mer refluant après une marée montante, les traces de leurs venues précédentes, de bris de verre en coquilles vides, elle constate les dégats sans trop oser déblayer. Et si l'un de ces vestiges détenait la clé de sa renaissance? Il faudrait rassembler et en découvrir le secret... Ou simplement le sens. Et brutalement, elle se souvient, cette angoisse qui la saisit et qui la déchire, cette sensation poussée à l'extrème d'absurdité... De la vanité des choses. Ca la serre et ca la secoue et des fois elle se raccroche tellement à cette sensation de perte qu'elle a l'impression qu'on l'entend penser. La peur se répand et fait tournoyer ses pensées encore et encore, obsessionnellement. Elle plonge en elle-même si profondèment et ce sans s'en rendre compte que parfois ceux qui l'entourent lui demandent subitement si elle va bien. Elle s'efforce de rester vivante. Donne le change avec sincérité, comme elle le fait, toujours; comme elle l'a toujours fait.
Et puis, dans un sourire presque dénué d'ironie, elle se dit que peut-être, ça lui passera bien avant que ça ne vous reprenne...

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